Les mots abusés suppliciés, maltraités, torturés, dénaturés, martyrisés, tourmentés…
Dans toutes les disciplines régulièrement de nouveaux mots apparaissent, surgissent de nulle part comme des ovnis et sont présentés comme des innovations de première ordre…qu’ils ne sont pas.
Marketing idéologique, masquer des insuffisances, parler pour ne rien dire, faire preuve de créativité, complexifier pour faire illusion, utiliser un jargon pour se faire passer pour un mentor… Vaste sujet qui ne manque pas d’exemples concrets affectant les domaines les plus variés.
En fait, il m’arrive de me demander si cette mode de dénaturer un mot ou d’inventer des mots n’est pas toujours totalement innocente et peut laisser entrevoir quelques arrière-pensées.
De nombreux cas concrets montrent que la botanique n’échappe pas à ces modes.
Changement d’identité de la famille des Composées
La famille des Composées regroupe plus de 20 000 espèces de plantes présentant des caractéristiques communes.
Dans le cas de la matricaire, le pissenlit, la marguerite, l’artichaut… ce que nous prenons pour une fleur est en réalité un ensemble de fleurs minuscules insérées sur un réceptacle floral d’où le nom de
Composées.
Inflorescence de la matricaire (Matricaria recutita) photo de Franz Eugène Köhler (WKM)

- Photo Franz Eugène Khöhler
A/ fleurs tubulaires au centre
B/ fleurs ligulées souvent confondues avec des pétales. La ligule est cette languette colorée des fleurs implantées en périphérie du réceptacle floral des Composées, leur rôle est d’attirer les insectes.
L’artichaut fait également partie de cette grande famille, sur son réceptacle floral charnu comestible (le cœur) sont implantées une multitude de petites fleurs, non encore arrivées à terme, avec une touffe de poils.
Artichaut en coupe, Photo : Trizek (WKM)

- Photo WKM
Il y a déjà quelques années, il a été décidé de relooker le nom de la famille des Composées en
Astéracées. Présenté comme une innovation, cet exemple a introduit une confusion en laissant entendre que toutes les
Composées sont ce que l’on appelle communément les asters. Or il s’avère que la famille des Composées comporte bien d’autres plantes et pas seulement des asters.
Botaniquement le terme attribué à cette famille des Composées était mieux approprié, puisqu’il sous-entend que ce que nous prenons pour une fleur est en réalité un ensemble de fleurs regroupé sur un réceptacle floral.
D’autres familles de plantes ont reçu de nouvelles appellations peu convaincantes et qui n’apportent rien de nouveau à la botanique, mais on peut trouver un certain plaisir à modifier les nomenclatures afin d’en exclure l’accès aux non spécialistes. Le naturaliste
Lamark dénonçait ces continuels changements inutiles et dérisoires qui nuisent à la compréhension sans faire avancer les sciences (J. B. Lamark, Philos. Zoologie, t.1, page 33,1809)
Que cela ne vous empêche pas de continuer d’effeuiller la marguerite avec modération, en ôtant ce qui est souvent pris pour des pétales mais qui sont en réalité les fleurs ligulées situées en périphérie de l’inflorescence. « Je t’aime, un peu, beaucoup, passionnément, à la folie… ».
Michel